Communication Médias sociaux

Voir #moncton comme un hashtag

Ouf, j’ai à peine publié mon billet sur mon autre blogue (Triplex: #Moncton comme mot-clic) sur la tuerie de Moncton, que je me suis fait aspirer par la machine: j’ai fait un topo pour la chaîne télé de RDI, puis deux duplex à la radio (émission de l’heure de pointe de Moncton et Québec) cet après-midi.

«Le mot-clic #Moncton est devenu cette ancre dans l’espace social pour s’accrocher quelques instants et s’informer ou sympathiser avec ces autres citoyens qui vivent des moments difficiles. Pour en être plus proche» (lire sur Triplex)

Je vous partage en vrac ce que j’ai dit dans les médias cet après-midi.

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La question qui revenait était le rôle des médias sociaux dans un tel événement. 

Twitter et Facebook ont joué un rôle de système d’alerte dans l’interstice précis qui se situait entre le début du drame et la prise en main des communications des autorités et des médias.

C’est le seul moyen pour avertir les gens du danger immédiat. En fait, pour être plus précis, les gens qui écoutaient la fréquence radio de la Police ont été les premiers à retransmettre sur les réseaux les informations.

Ce sont principalement des messages de groupe en groupe qui ont permit à l’information de circuler.

Bien sûr, on y trouve beaucoup de contradictions, mais en général on remarque que les mauvaises informations n’évoluent pas avec le temps. Elles sont retweetées toujours pareilles, et il n’y a pas de mises à jour. Les mises à jour se font sur de vraies nouvelles (ou plutôt des preuves de nouvelles comme des photos ou des vidéos).

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Dans le cas qui concernait les habitants de Moncton, c’était une information capitale: se mettre à l’abri, car il y a un tireur fou libre dans les rues avoisinantes.

En général, rapidement des journalistes vont embarquer sur leurs comptes personnels et à partir de ce moment-là, en général, les rumeurs tombent.

Mais l’interstice a duré plusieurs heures, le temps que les autorités et les médias entrent en jeu. Il faudra se demander éventuellement ce qui s’est réellement passé durant ce temps.

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On me demandait aussi ce qui avait changé avec les médias sociaux?

Qu’est-ce que ça fait de pouvoir ainsi suivre de façon intime les événements (vidéos, photos, alertes, coup de feu, page fb du tueur)?

Ça change surtout la portion émotionnelle de l’événement: on a davantage l’impression de vivre de l’intérieur l’événement.

Ça ajoute assurément une touche dramatique qu’on perd souvent avec les médias. En effet, les médias mettent une distance entre nous et l’événement: les journalistes sont posés, réfléchis et ont validé l’information. Ils mettent une distance. La « nouvelle en continue », de CNN à Al Jazeera, nous habitué au flux en temps réel, mais pas à cette absence de distance.

Sur les médias sociaux on vit y comme on le vit le drame de Jack Bauer dans l’émission 24 heures chrono: tout se déroule en temps réel. On a l’impression de participer. Et avec raison. Nos retweets peuvent sauver des gens.

Les retweets sont à la fois du bruit et à la fois ils sont importants.

C’est sûr que pour quelqu’un qui suit le flux en direct, comme un journaliste ou un policier, c’est trop. Mais il y a des personnes qui se posent en relais pour leur communauté. On n’est pas tous rivés devant nos écrans. Ceux qui sont là par hasard ou qui ont du temps vont se positionner comme relais et transmettre l’information: ils sont un mini RDI pour leur groupe de relations. C’est la différence peut-être entre la vie ou la mort.

Et pas besoin d’être sur place: j’ai vu de grands relayeurs qui habitaient la ville de Québec ou la ville de Toronto, à des milliers de kilomètres. Ils ont un rôle important à jouer. Ils participent de l’événement.

Quel type de message voyait-on sur Twitter, quel mot-clic?

Vers 21h hier, La GRC a utilisé et #grcnb (nb pour Nouvea-Brunswick) et #codiac (le nom du district), mais le public a opté pour #moncton, beaucoup plus parlant et, franchement, plus utile.

Le choix de mettre un dièse à Moncton dans un tweet associe le nom de la ville à l’événement. Écrire «Je suis à #Moncton» vient tout d’un coup de prendre un autre sens: on fait partie d’un triste événement. Plus, même: on crée l’événement!

Le mot-clic #Moncton est une ancre dans l’espace social qui nous permet de s’accrocher et  s’informer ou sympathiser dans ces  moments difficiles.

Le nombre de tweets à l’heure pour #Moncton oscille encore de 2000 à 3000 tweets à l’heure (la chasse à l’homme n’est pas terminé).

Les gens de la région utilisent maintenant les réseaux pour retweeter les avertissements de la police (il faut pas sortir de sa maison pendant qu’ils fouillaient le secteur) mais aussi des mots de sympathies (#prayformoncton, qui a été parmi les mot-clés les plus populaires dans le monde tard hier soir).

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Je ne sais pas si Moncton savait qu’elle allait se réveiller comme un hashtag ce matin, mais elle est entrée d’une dure façon dans le numérique. Les médias sociaux font partie des dispositifs/procédures de communication qui doivent toujours être mises en place le plus tôt possible dans un tel genre de situation.

Mais maintenant l’heure est au recueillement, car en fait, plus que les hashtags, ce sont les balles qui vont laisser des traces…

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

2 thoughts on “Voir #moncton comme un hashtag

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