J’ai retenu deux faits. Il semble que le Québec réagisse différemment des autres à deux phénomènes viraux dans deux sphères bien différentes. Je ne parle pas de la grippe. Mais de mode virale.
Commençons par la première statistique.
28% des Québécois ont visionné Gangnam Style
Je n’aurai jamais pensé que quelqu’un poserait ce genre de question dans un sondage: ne reculant devant rien, Rogers l’a posé pour nous!
Donc, oui, c’est 28% des Québécois qui ont succombé au vidéo viral! Tiens, tiens, à peine 1/3. Moi qui croyais que tout le monde, jusqu’à Saint-Élie-de-Caxton, dansait sur la K-pop! Bon, Ok.
Faisons alors un peu de statistique croisée, question de voir ce qu’on peut en tirer d’autres.
Le Québec compte 8 millions d’âmes au pays (selon L’ISQ), alors, on peut estimer qu’environ 2,25 millions de Québécois ont visionné la vidéo virale. (Nota, environ 80% des Québécois utilisent Internet (selon CEFRIO) donc c’est 35% des internautes Québécois qui ont visionné la vidéo virale).
Sachant qu’Internet compte 2,5 milliards d’Internautes (selon IWS), et qu’il y a un milliard de visionnements sur la vidéo de PSY sur YouTube (selon Google), c’est donc, grossièrement, 40% des internautes mondiaux qui ont vu la vidéo.
De ce nombre, donc, 0,2% de ces visionnements seraient dus à mes compatriotes.
Évidemment, ce sont des calculs théoriques:
- (a) une personne pouvant être compté deux fois par YouTube et
- (b) les pays sous-développés, ainsi que les pays techno-ermites, comme la Chine ou l’Iran, sont comptabilisés dans la population d’internautes mondiale, mais n’ont pas (toujours) accès à YouTube pour des raisons de censures ou de bande passante.
Mais ce qui est vraiment étonnant, c’est que la statistique pancanadienne, elle, montre que c’est 43% des Canadiens qui ont visionné cette même vidéo (selon Rogers)
Donc, si on retire les Québécois du lot, c’est presque 1 Canadien sur 2 qui se serait adonné aux joies du visionnement de la vidéo la plus virale de tous les temps. (Ce sont les provinces maritimes qui ont le plus écouté la vidéo, avec 48% –les stats de Rogers sont plus précises et séparent par genre et âge).
Les Canadiens ont été environ deux fois plus «infectés» que les Québécois, soit environ 13 millions, si mes calculs sont bons. Les Canadiens ont plus visionné la vidéo que la moyenne mondiale, et les Québécois moins.
Et selon l’âge, sans surprise, c’est près de 86% de tous les Canadiens âge entre 18 et 26 ans qui ont écouté la vidéo. Les jeunes clairement adorent — les 55 ans et plus, beaucoup moins avec seulement 19%, pancanadien.
Cette vidéo étant le viral la plus rapide et la plus fulgurante de tous les temps, elle donne une certaine indication de la pénétrabilité virale selon les cultures à travers le monde.
Une certaine tolérance à la musique pop, au kitch/ridicule, à la parodie est nécessaire pour apprécier et partager cette vidéo. La culture anglo-saxonne y serait-elle plus perméable, et la québécoise (francophone?) y carburerait moins?
À l’émission La Sphère de samedi dernier, Matthieu et Catherine se sont vantés en onde de n’avoir jamais vu la vidéo et se sont bien promis de ne pas l’écouter. Je n’en ferais pas une règle générale, mais ça donne une piste de réflexion: est-ce qu’il serait possible que les Québécois soient ainsi immunisés contre ce type de viral par pure méfiance de ce qui est un viral venant d’ailleurs, une distraction puérile, un vain jeu sociale sans pertinence?
À mon avis, Gangnam Style est incompréhensible si on ne voit pas aussi l’écosystème des parodies qu’il a généré. Vouloir visionner à froid la vidéo de PSY génère plus de questions que de plaisir. C’est l’effet qui accompagne la vidéo qui lui donne une aura. Les Québécois n’ont peut-être pas le même sens de l’humour. Ils sont en tout cas résistants à ce virus venu d’ailleurs.
Passons à la statistiques plus sérieuse.
74% des Québécois croit qu’en 2013, plus de gens seront sur le mobile
J’adore ces sondages qui sondent le plus sérieusement du monde des gens pour connaître les tendances de demain. Toutes les questions sont bonnes à poser!
Donc, les 3/4 des Québécois pensent que plus de gens seront connectés à Internet par le mobile.
Je ne crois pas qu’il faille demander à qui que ce soit de penser quoi que ce soit des tendances de connexion de 2013. C’est 100% sûr que davantage de gens seront sur le mobile l’an prochain!
Que monsieur ou madame Tout-le-monde pense pareil ne prouve qu’une chose: que le message des gourous internet, des journalistes technos et des marchants de bidules électroniques s’est bien rendu à leurs oreilles! Comment peuvent-ils autrement connaître ces statistiques?!
Non, la vraie surprise, c’est que 20% ont répondu non. Non, ils ne pensent pas que plus de gens seront connectés à Internet via un mobile. Mais sur quelle planète vivent-ils? Quoi? Le marché des smartphones serait saturé au pays? Non! Au mieux, cette statistique montre que les répondants à cette question sont incompétents — mais comment peut-il en être autrement, de toute façon?
En fait, la seule façon de comprendre cette statistique, c’est de la voir comme étant une « intention d’achat » d’un smartphone (on projette sur la société ses propres désirs ou ceux de son entourage).
Là, ça devient clair! : seulement 76% des jeunes Canadiens entre 18 et 24 % pensent que plus de gens seront connectés à Internet par le mobile contre 82% chez les 55 ans et plus. Rogers sait maintenant où se trouve son segment le plus prometteur. Un smartphone n’étant pas à la portée de toute les bourses, plus de jeunes prendront leur mal en patience.
Mais quand on remarque la différence entre les provinces, on découvre autre chose. La moyenne canadienne est de 80% contre 74% au Québec. Est-ce qu’on doit comprendre que la vague mobile sera moins présente au Québec qu’ailleurs en 2013?
Le Québec semble, autant du côté mobile que du côté de vidéo, ne pas suivre le même rythme que le reste de la planète techno. Une certaine immunité techno-virale peut-être…
Avez-vous des pistes d’explications?
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Pour plus de statistiques, consultez directement le Powerpoint sur Slideshare.
La population du Québec est-elle moins moutonnière que celle du ROC ?
Les jeunes du Québec sont-ils beaucoup plus conscients du coût de connexion comme frein à la mobilité ?
Mes enfants ont des téléphones intelligents (HTC, Samsung) mais sans forfait données (les frais de télécom -texto illimité- pèsent déjà lourd dans leur budget).
Bon point Josée, les coûts viennent jouer dans la balance, oui.
Mais les coûts sont sensiblement le même partout au pays, Alors le ROC serait-il plus riche, ou plutôt, se sentirait-il plus riche? Ou trouve-t-il que c’est plus important?
Je retiens le côté « moins moutonnier » comme un sursaut de lucidité face au tout-techno commercial!