En quelque sorte, oui.
Wirearchy, est un néologisme de Husband depuis, créé il y a plus d’une décennie, pour nommer cet aplanissement des hiérarchies, en entreprise et dans la société en général. La communication dite horizontale, avec ses paires, devient non seulement praticable, et à moindre coût avec les nouveaux outils des médias sociaux, mais aussi essentiels.
Serres, lui s’attarde moins à la structure qu’à l’impact à son sommet. Là où Husband soulignait la «mutation de l’hiérarchie», Serres s’attarde sur la «crise de l’autorité» qui en résulte. L’autorité doit muter!: «L’autoritarisme a toujours été une tentation des sociétés humaines, ce danger qui nous guette de basculer très facilement dans le règne animal.» dit-il.
La culture humaine a remplacé le schéma animal, selon Serres. Le mot « autorité » en français vient du latin auctoritas, dont la racine se rattache au même groupe que augere, qui signifie « augmenter ». Si la «morale humaine augmente la valeur de l’autorité» alors celui qui a «autorité sur moi doit augmenter mes connaissances, mon bonheur, mon travail, ma sécurité, il a une fonction de croissance».
L’autorité aujourd’hui n’est pas out, il a juste subi une mutation!
«La véritable autorité est celle qui grandit l’autre.»
Serres affirme que le mot « auteur » dérive de cette «autorité qui augmente». Un auteur se porte garant de ce qu’il avance, il en est responsable. «[S]i mon livre est bon, il vous augmente. Un bon auteur augmente son lecteur.»
Rappelons ici que Serres est aussi l’auteur du petit livre sur La Petite Poucette (tiré d’un discours qu’il avait fait, disponible ici en PDF), cette mutante qui consulte et communique le savoir du bout des pouces. De l’essor des nouvelles technologies, il en conclut qu’un nouvel humain est né.
Avant l’accès «à tout», dans le sens que j’ai abordé la semaine dernière, suite aux réflexions d’André Gunthert (lire Internet comme sixième sens), les auteurs, professeurs, journalistes, bref les autorités pouvaient, devaient assumer une présomption d’incompétence à l’égard de leur audience, rappelle Serres.
Il préconise au contraire, pour la société d’aujourd’hui, une présomption de compétence, car chacun est en mesure de faire ses propres recherches sur Internet. L’autorité n’étant maintenant là que pour « augmenter » les compétences des son audience, des ses élèves, de ses patients, des ses lecteurs. etc.
L’autorité cognitive en question
Mais dès que l’on parle des mutations causées par Internet, les penseurs redisent finalement les mêmes choses, n’est-ce pas?
J’avais abordé cette importante question il y a déjà une demi-décennie: quand on accède sur le web à autant d’information diverse (et contradictoire) cela nous donne une meilleure vision du monde (certes!), mais elle passe de plus en plus à travers des connaissances de « seconde main » — l’écrasante majorité de ce qu’on sait sur le monde ne vient plus d’une expérience directe avec celui-ci.
J’avais donc rapidement fait remonter l’idée que les autorités cognitives allaient devenir un acteur important dans la société. Plus de détail ici sur ce qu’est l’autorité cognitive.
En quelques mots, une autorité cognitive est cette personne vers qui nous nous tournons pour nous donner l’heure juste dans une sphère d’expertise que l’on croit être la sienne. Ce ne sont pas nécessairement les experts d’un domaine (on a pas toujours accès à un expert), mais il a notre confiance pour répondre à des questions ouvertes.
Serres me donne l’occasion de définir ainsi le rôle de cet autorité cognitive (et toute autorité, politique, scolaire, professionnelle): celui de fournir un cadre cognitif à une personne pour lui permettre de mieux remplir son propre rôle (ou son destin) ou régler une problématique quelconque.
Une autorité est adoptée (remarquez ici l’inversion: l’autorité ne s’impose pas) quand son apport permet à une personne d’espérer atteindre un objectif.
Le journaliste comme autorité
En animant mercredi prochain un atelier Projet Columbus sur l’arrimage entre les medias de masse et ceux dits « sociaux », on se questionnera sur les promesses et les déceptions cette révolution. On y abordera, entre autres, ces signaux faibles qui sont pourtant riches de potentialités et méritent d’être entendus et mis à contribution.
Ces signaux faibles viennent entre autre des lecteurs et de la population en général. Jusqu’à un certain point, l’information remonte de la population jusqu’au journaliste.
Mais quand on voit des débats qui traduisent un éloignement culturel croissant entre les élites et la «populace», et choque Cyrille Frank (un titre dans Le Monde illustrant une attitude condescendante envers le lectorat), il n’est pas insensé de réfléchir à ce que dit Serres.
La responsabilité des élites, et des autorités en particulier, est celle de faire grandir l’autre.
Merci pour cet article qui éclaire suffisamment les premiers effets du début de cette 3 ième révolution humanitaire comme l’explique si bien Michel Serres http://owl.li/e7ctM Nous avons de nombreuses nouvelles questions à nous poser et à apprendre à y répondre ensemble au lieu de reprendre par nostalgie d’anciennes recettes que nous assaisonnons à la mode 2.0.
@Eric, je ne sais pas si vous lisez l’anglais, mais Wienberger a sorti un excellent livre (Too Big To Know) en début 2012 qui reprend certaines idées de cette « révolution humane » et en tire des conclusions sur la (re)définition même de ce qu’est la connaissance à l’ère de la surabondance de l’information et de la connexion ubiquitaire: http://www.toobigtoknow.com/
Ce poste dégagement mucas duas moi, je vous remercie beaucoup! Aussi je n’ai toujours quelques choses pendaison, mais c’est mon problème parce que j’ai quelques difficultés ce sujet.
Ce qui concerne,
Joshua | Vudu