Je crois qu’il n’y a que les étudiants qui pensent qu’on ne les voit pas. L’accès à un ordinateur doit-il être autorisé aux étudiants dans un cours?
Réponse 1: Bien sûr que non! Ils s’en servent pour se distraire.
Réponse 2: Bien sûr que oui! Ils sont majeurs et vaccinés.
Dans tous les cas, le résultat est le même. À de rares exceptions près, les étudiants qui ont un ordi ouvert devant eux sont complètement distraits par tout ce que le web peut offrir.
C’est comme tenter de donner un cours juste à côté d’une fête foraine. Autrement dit, vous avez perdu leur attention définitivement.
Bien sûr, bien sûr, cette génération est multitâche, n’est-ce pas? Ils sont capables d’en prendre, si? Je défie mes étudiants de commenter pour me dire que l’ordi et celui de leurs voisins servaient juste à prendre des notes 😉
Justement, Olivier Ertzscheid a trouvé une voie de juste milieu. Un genre de pacte de silicone.
Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information: Voilà donc le contrat que j’ai décidé de passer avec mes étudiants :
L’utilisation d’un micro-ordinateur pendant mes cours est autorisée aux conditions suivantes :
– m’envoyer, à la fin du cours, un mail contenant (en fichier attaché) la prise de note du cours.
– accepter, si la prise de note est jugée correcte, qu’elle soit (anonymisée puis) versée sur le blog du cours pour pouvoir être ainsi utile à d’autres (éventuellement absents ce jour-là ou momentanément distraits – car comme le rappelait Lao-Tseu-Point-Com, « point n’est besoin d’être connecté pour être distrait »)
– accepter que l’utilisation du portable pour le prochain cours soit soumise à une autorisation préalable en fonction du résultat de la prise de note transmise lors du cours précédent.
Le surplus cognitif libéré par l’absence de multitâche permettra au professeur (en échange d’un surplus de travail, notons-le) de prodiguer, suggère Olivier, un complément d’enseignement tout à fait pertinent:
– qui d’enrichira le blogue du cours,
– qui sensibilisera par la pratique à une certaine idée du « collectif » / « partage » / « travail collaboratif »,
– qui permettra de « mesurer » les points du cours qui passent bien et ceux qui ne passent pas
– qui valorisera le travail de certains étudiants.
Ce dernier point est plus difficile, puisque le «contrat» indique une anonymisation des notes…
Défi
Il fait le pari que le nombre d’ordi va diminuer. Peut-être a-t-il raison.
Ce que je crois qui risque plus d’arriver, c’est une interrogation sur la notion même de prise de note: si quelques uns, et des meilleurs, font la prise de note, pourquoi, diront-ils, le faire soi-même. Le blogue du cours aura capté l’essentiel, avec l’aval du prof.
La question n’est pas aussi niaise qu’elle paraît… Elle fait écho à toute la question de l’enseignement à l’ère d’internet…
Les enseignements qui m’ont le plus bouleversé, instruit, changé en classe se produisaient alors que je déposais mon stylo et écoutait…
Jacques, je t’ai déjà vu donner un cours sans notes au tableau, et les étudiants non plus n’ont pas pris de note. Et c’était probablement un bijou de pédagogie. Ça laisse songeur…
Bonjour Martin, merci du relai 🙂
Pour l’instant le « pacte de silicone » fonctionne assez bien. Les étudiants jouent le jeu. Et semblent « satisfaits ». Pas de hausse ni de baisse de l’utilisation des portables en cours.
Olivier, depuis le temps que je me demandais comment couper ce noeud gordien du Tout ou Rien…
Petite expérience personnelle… J’ai un petit problème : j’apprend très vite. Alors certains cours, surtout en classe, me semblent très lent (peut-être à cause de mon habitude d’écouter les cours sur Itunes U à 150% de vitesse – mais pas tous les cours, juste la majorité). Dans mon cas, j’utilise tout le temps mon téléphone intelligent pour prendre des notes (j’ai un HTC touch pro 2 avec un très bon clavier et je prend de bonnes notes) et suivre les flux RSS – dont vous. Étrangement/heureusement, cette petite distraction numérique me permet de survivre au rythme parfois lent des classes (3 heures sur une chaise dans une position d’écoute passive… c’est lourd). Si je ne peux pas faire les deux en même temps, je fais juste un des deux: le plus intéressant, en fonction du contexte.
Cela étant dit, le pacte de silicone me semble être très intéressant au niveau de sa valeur ajoutée (partage des notes).
Et oui, parfois, juster écouter un bon prof sans prendre de notes… c’est plus intéressant et on apprend – Et surtout comprend, souvent mieux que quand on veut d’écrire aussi vite que le prof présente sa matière.
Bon je retourne à mon cours 🙂
Et, il faut aussi se brosser les dents au moment de la pause si nous voulons avoir le droit de manger un petit quelque chose?
Non mais franchement… J’ai fait des études en génie sans jamais échouer un cours et j’ai terminé le programme largement en haut de la moyenne. Et, vous savez quoi? J’utilisais régulièrement un ordinateur en classe et ce n’était pas que pour prendre des notes!
Il m’arrivait d’aller sur Twitter, de lire sur le sujet courant du cours (Wiki et autres) et même de chater!
Pourquoi? Je ne suis pas une machine, au bout de 60 minutes de concentration, je ne suis tout simplement plus capable d’en prendre. Alors, pourquoi ne pas prendre un petit cinq minutes pour décrocher? Il est où le problème? Si je ne le fait pas, de toute manière, je suis saturé et plus rien ne rentre.
Un petit cinq minutes ailleurs, le temps de vérifier mes courriels et je reviens en force!
Alors, les chargés de cours, professeurs ou autres, laissez donc les gens juger eux-mêmes de ce qui est bon pour eux! Nous ne sommes pas tous pareils!
Ah, ça devient intéressant. Valentin et Anonyme parlent de leur expérience de première main. Et je n’ai aucun doute qu’ils disent la vérité. Qu’ils se permettent des distractions, c’est tout à fait juste. Et sain. Ça existait avec les prises de notes sur la papier.
Je ne pense pas que le «pacte de silicone» s’adresse à vous, par contre, à ce qu’il me semble.
Il y a une différence d’être derrière son ordi avec un prof en avant, et être un prof en avant devant 30 ordis. On voit les 29 autres et leur mines très absorbés par l’écran. On se demande à juste raison ce qui les absorbe tant…
Ceci dit, j’ai été toujours en faveur de la réponse 2 (autorisation sans condition) mais avec la firme conviction qu’il faut alors changer radicalement le type de cours donné. Là réside le défi de l’enseignement à l’ère d’internet dont je n’ai pas trouver de réponse satisfaisante. Ni trouvé le temps de m’y pencher…
Question qui n’est pas abordée ici : de quoi parle-t-on quand on parle d’un cours ? Un cours magistral ? La forme du cours induit l’activité des enseignants pendant le cours. Pour avoir enseigné pendant 10 années auprès de jeunes scolairement en difficulté puis à des adultes enseignants ou responsables d’enseignement, j’ai observé et observe chaque jour le même phénomène.
Avant d’analyser l’attitude des étudiants, il est nécessaire d’analyser la stratégie pédagogique mise en place… celle-ci incluant (cf le premier commentaire) le charisme de l’enseignant.
Bruno, votre question est même, à mon avis, au premier plan de toute réflexion sur la pédagogie au 21e siècle. Sans non plus repartir à zéro et tout effacer les acquis, il y a nécessité «d’analyser la stratégie pédagogique», comme vous le dites, donc de voir ce qui marchait avant et d’essayer de l’appliquer aujourd’hui (car il est faux de croire que les réseaux et les nouveaux outils ne changent pas la donne de façon non-contingente).
Je sais que ces réflexions ont cours un peu partout dans le milieu académique. L’école doit absolument transférer sa culture lettrée vers une culture numérique, culture qui se constitue en ce moment largement sans elle.