The Times avait annoncé vouloir mettre son contenu derrière un « mur payant ». Voilà les premiers résultats.
Sur le site de Benoît Raphaël, qui a fait une bonne recension la semaine dernière, on y apprend qu’il y a eu 105.000 ventes (à ne pas confondre avec lecteurs), dont la moitié correspond à des abonnements mensuels, et l’autre moitié correspond à des transactions à l’unité (1£ pour un jour). «The Times a réussi à transformer seulement 0,5% de ses 20 millions de ses lecteurs en ligne». (voir aussi sur PaidContent)
Un « mur payant » signifie donc baisse drastique de la fréquentation (mais une « communauté de grande qualité, qui participe beaucoup.»). Ce qui fait dire au The Gaurdian que ce n’est pas un bon modèle d’affaires. (via Benoît Raphaël). « La rentabilité de l’initiative semble douteuse pour l’instant.» publie le FPJQ.
Clay Shirky, ce matin, écrit qu’il n’y croit pas: avec la «commodisation» de l’information [« commodité » est un emprunt à l’anglais et signifie «rendre banal» avec peu d’attrait commercial, comme les «produits de base»] , il n’y a pas moyen de contourner le fait inquiétant que la masse ne veut plus payer pour du contenu. Le mur payant ne fait que retirer ceux qui ne veulent pas payer et ne conserve que ceux pour qui l’information, cette information, n’est pas une commodité. Il perpétue l’idée que les journaux peuvent peut-être s’en tirer sans changement majeur.
Il est effectivement curieux de penser que, selon les chiffres montrés, que le mur payant total puisse faire vivre une rédaction telle que le Times. Si le Devoir peut réussir à y voir une avenue rentable, avec un mur partiel, c’est que leur structure éditoriale était déjà assujettie au budget minceur. Le Times changerait tellement de visage qu’il ne serait plus le même.
Il est clair que le modèle d’affaires basé sur la « moyenne » ne tient plus dans un monde de la longue traîne. Et l’entraînement risque de ne pas se faire attendre: puisque faire suivre l’article ne sert à rien (il faut être abonné pour lire l’article), moins de gens citeront le journal, conduisant à une spirale descendante dans la perte de notoriété.
Mais le problème semble maintenant atteindre même les sites de journaux ouverts: les visiteurs uniques diminuent à travers le monde (selon les chiffres de Nielsen, comparé à Google trends, telles que compilées par Jeff Mignon le mois dernier). L’information est une « commodité » [un produit avec peu de différenciation]. Oui, mais on fait quoi maintenant? On se repose sur la tablette.
Bruno Boutot m’envoie par courriel ce message:
Qu’est-ce que tu dirais de « produit courant » pour « commodity »? : passage de produit rare à produit courant.
J’ai aussi repéré la traduction « produit de base », mais dans le sens Shirky « produit abondant disponible de plusieurs sources », je préfère « produit courant ». « Produit de base » a une notion de « première nécessité » alors que Shirky veut dire « tellement courant que la valeur monétaire baisse ».
On pourrait donc parler aussi de « démonétisation » de l’information.
Le problème de « banalisation » ou « dévalorisation » laisserait croire que la qualité de l’information perd de sa valeur, ce qui n’est pas le cas. C’est la valeur monnayable qui baisse, pas la valeur qualitative.
C’est une nuance importante qu’il faudrait caser quelque part: l’information banale n’a aucune valeur; l’information de qualité a une valeur, mais autre que monnayable.