La valorisation de contenu sur le réseau, c’est-à-dire l’ajout d’une plus-value à une information –pas nécessairement financière–, dans le cadre de certaines vidéos virales, prend la forme d’un cycle qui se segmente selon les 7 « R » : Regard, Relay, Reposting, Reacting, Remixing, Re-enacting and Reinventing.
Encore ici, cette valeur est particulière au réseau, comme le cas des photos virales sur les réseaux sociaux dont je parlais hier, et elle ne semble pas pouvoir être produite dans les médias traditionnels (du moins pas de cette façon).
C’est Rahaf Harfoush qui est arrivé il y a deux semaines à ce premier cadre original et qui explique les 5 R of Viral Video— auquel je me suis permis de rajouter deux autres R, « Regard » et un second R, « Relay », pour le remettre dans un contexte d’écosystème de vie d’une vidéo virale.
Ça n’explique pas le mécanisme viral en soi (pourquoi ça marche), mais donne un cadre sur ce qui se passe quand ça marche (c-à-d les signes extérieurs que le viral marche). N’oublions pas, on ne commande pas une vidéo virale.
En analysant une vidéo de famille anecdotique, Rahaf arrive à montrer qu’un viral de ce type crée une communauté ad hoc de « consommateurs-producteurs » et que le contenu subit de multiples métamorphoses –la vidéo ne se fait pas que se propager– pour permettre la réappropriation par le public.
Les 7 R des vidéos viraux : Regard, Relay, Reposting, Reacting, Remixing, Re-enacting, Reinventing
(7 R : j’ai toujours un petit faible pour ces cadres conceptuels qui possèdent une poésie rythmique baptismale.)
Je me suis permis d’ajouter deux stades pré-curseurs et modifier un peu son ordre pour avoir un bon portrait de l’écosystème d’un tel viral. J’ai conservé la nomenclature anglaise.
Voyons maintenant comment un viral ne vit pas seul et engendre un nouveau type de « cadavres exquis »…
Regard
Étape primordiale, évidemment, c’est la façon la plus passive de participer au viral : consommer la vidéo, y porter attention. Elle doit posséder des caractéristiques pour attirer l’attention et la conserver. Elle ne répond pas nécessairement à un besoin ni ne porte de message particulier (même si ça aide). Elle
est intéressante en soi (au moins pour la première personne qui la « trouve »), mais souvent le seul intérêt provient du fait même qu’elle a été transmise (1) par son réseau social ou (2) qu’elle figure dans une liste quelconque. C’est en général le seul contrôle que possède la personne qui souhaite créer un viral : trouver un terreau fertile et y exposer son document.
Relay
Étape suivante, la relayer. C’est la façon la plus simple de donner une portée au contenu : les gens lie (link) ou encapsule (embed) la vidéo sur leur site, blogue, médias sociaux, réseau social ou l’envoie par courriel. Pour ça, la vidéo doit absolument toucher cette fibre : provoquer l’impression d’être devant une petite perle rare (généralement drôle, esthétique ou parfois morbide) et provoquer le besoin d’être le premier à le faire suivre à son réseau (scoop pour engranger du capital social). À cette étape la seule valeur que possède cette vidéo est d’être distribuée par un réseau social (« Si Alice me l’envoie c’est que ça doit être intéressant »). On peut considérer l’envoi par courriel comme un simple relais si on le considère comme une communication » privée », car elle n’implique pas l’acte de « publier » (point suivant).
Reposting
Étape souvent cooccurrente et complémentaire à la précédente, on republit la vidéo. Le vidéo doit être recopiée à une autre adresse. Pas seulement lié (link) ou encapsulé (embed) mais bien copié. L’acte de « (re)publier » est beaucoup plus actif que le précédent point. Ça mélange aussi les cartes (on ne sait plus quelle est l’adresse originale et on perd les traces statistiques). À ce moment précis, on rentre véritablement dans le viral réseau (et voilà pourquoi Rahaf commence à cette étape): qu’importe le copyright, le propriétaire du vidéo perd à ce moment le contrôle de sa diffusion.
Reacting
La « réaction », avec la large bande passante et la démocratisation des webcams et des outils d’enregistrements vidéo, l’apparition des « commentaires vidéo » s’est assez courante sur les réseaux sociaux et les plateformes d’agrégation vidéos. Cette étape consiste à montrer sa réaction (primaire ou réfléchie) au contenu référence. Je ne crois pas qu’il faille y voir un acte artistique, mais plutôt un acte épistolaire ou conversationnel. Le consommateur cherche à donner son point de vue « meta » à l’acte de réception.
Remixing
On monte ici d’un cran hors de la passivité: une personne reprend l’original et le remixe, généralement en rajoutant une forme de commentaire artistique (musique, image, titre, surtitre, effets spéciaux, voice-over). Parfois, quand c’est bien réussi, cette version possède sa propre vie et peut dépasser l’original. Cette étape démarre le véritable « cadavre exquis », particulièrement fertile sur les réseaux entourant les contenus audiovisuels linéaires. Le consommateur cherche à donner son point de vue « éditorial » (ce qui en fait par définition un producteur de contenu).
Re-enacting
Cette étape demande plus que le remixing et implique que les auteurs (ou leurs amis) s’impliquent et jouent dans le vidéo: ils « rejouent » la vidéo. C’est un remake, une parodie, une mise en scène décalée. Actuellement la culture entourant cette étape consiste à répéter mot pour mot le vidéo original à la façon des fans de films cultes. Mais elle peut prendre plusieurs formes et implique toujours une mise en scène de nouveaux acteurs (par opposition à un remixing, qui implique le même contenu ou un mélange de contenus.).
Reinventing
Cette étape correspond comme à un spin-off, une suite en quelque sorte, une « réinvention » à partir de certains éléments originaux. Le lien est parfois ténu, mais le contenu demande un véritable travail de création. Créativement parlant, c’est l’étape la plus aboutie et le meilleur hommage au vidéo original. On prend un personnage et on l’exploite autrement, ou on ajoute des personnages pour étoffer l’histoire originale ou la prolonger. Cette étape, par son côté référentiel, confirme l’entrée du vidéo originale dans le panthéon du viral.
En allant sur le billet original de Rahaf vous verrez les principales étapes et des exemples qui les illustrent (en anglais). Thanks Rahat for the insight.
Je te Remercie.
Je Reconnais la Richesse de ces idées issues d’une Réflexion Rigoureuse. Je Repars Ravie!
8)
Raoul
Il y a aussi l’étape initiale, celle de la création originale du vidéo. Il a bien fallu qu’il y ait quelqu’un qui le filme et le monte! Je cherche le mot en « R » pour cette étape (bien que 8R est moins fort que 7R ;-)).
Étienne: Réalisation