« Bloguer est un gaspillage de temps« . Une « stratégie blogue« ? Ce n’est pas par ces outils qu’un parti « gagne des élections« . N’ajustez pas votre écran. Vous avez bien lu ce qu’a dit Mario Dumont.
Antoine Robitaille rapporte les paroles de Mario Dumont, chef du parti ADQ au Québec (une province au sud du Nuvavut) où il raconte que les «journalistes qui s’intéressent aux blogues ont une utilité, c’est de s’assurer que chacun des militants adéquistes mette son énergie sur des choses bien productives.»
L’affaire Élodie 2.0 😉
Le journaliste M. Robitaille est celui qui a rendu public « l’affaire Élodie« , (voir mon billet il y a quelques jours : Exit Élodie) où un blogue soupçonné d’appartenir au parti de M.Dumont abriterait un chef de cabinet sous l’identité d’une jeune demoiselle (Élodie) aux opinions mystérieusement trop bien informés et « propagandistes « . Ce blogue a été fermé abruptement et les archives retirés dès que la nouvelle a été sortie.
Mes lecteurs savent que j’exprimais récemment qu’une société, et à plus forte raison une société de l’information, est un système qui éjecte immédiatement de la sphère publique les personnes qui usurpent leur identité (qu’il ne faut pas confondre avec anonymat). (voir mes billets Exit Élodie et Vérifiez vos sources)
Chaque (zéro) seconde compte
Mais ici, l’article du journaliste nous permet d’y voir un autre sens. Il ne fait plus de doute, même si cela ne constitue pas une preuve, que le blogue a été fermé par la même personne qui vient de dire que bloguer est «une façon idéale pour quelqu’un d’aller gaspiller beaucoup de son temps».
Tempus Fugit ! (« Tant pis, fuit! ») 😉
Permettez-moi de douter de la préoccupation de M. Dumont sur la façon dont Pierre Morin (le chef de cabinet soupçonné d’incarner « Élodie ») rentabilise son temps. Le premier a fait fermer le blogue du second pour d’autres raisons. Bloguer est résolument un acte d’affranchissement intellectuel face à une politique éditoriale d’un groupe. Ce qui n’est pas sans déranger.
Les voix impénétrables
Un parti ne pouvant pas avoir plusieurs voix, il appert qu’un blogue génèrerait du bruit dans l’arène politique dès qu’il est identifié à un parti, réputé pour ne parler que d’une seule voie, celle de son chef. Si M.Dumont croit « qu’il est préférable de travailler sur le terrain que dans le cyberespace » c’est parce qu’il est pragmatique : sur le « terrain » l’expression individuel ne laisse aucune trace, alors que le cyberespace laisse malheureusement une marque qui ne s’efface pas facilement (et se consulte à volonté).
Cachez ce blogue (que je ne saurais lire)
Doit-on comprendre qu’une bonne « stratégie blogue » est un blogue fermé? Si on veut communiquer, on prend les moyens habituels (la publicité) ou on utilise les médias traditionnels pour faire passer son message –comme le fait le gouvernement conservateur de M.Harper à Ottawa (une petite ville à 915 km au nord de Washington).
Retour marginal
En reléguant la blogosphère à un simple forum (un parti n’a pas à avoir une « stratégie forum », pourrait-on dire) dans lequel on perd son temps à parlementer avec un groupe plus que restreint, M. Dumont laisse entendre en fait que l’effort sur le terrain « rapporte plus » que sur le « réseau ». Il m’apparaît expéditif de sa part de conclure que palabrer dans les limbes internet influence moins qu’une « assemblée de cuisine », expression imagée pour désigner le travail sur le terrain.
L’arbre qui cache la forêt
Pragmatique, M. Dumont comprend qu’il préfère contrôler le message de son parti. En mauvais visionnaire, il ne voit pas que la blogosphère est une formidable caisse de résonance (même si on n’aime pas tous les bruits que l’on y entend) et que les nouveaux influenceurs qui s’y trouvent ont plus de poids que les gens dans leur cuisine.
La forêt (morte) qui cache la nouvelle
Mais peut-on donner tort à M.Dumont de réduire la blogosphère québécoise à un simple bon vieux forum virtuel et désincarné quand l‘article qui le cite n’est même pas publié dans le journal papier (c’est le sens de « exclusif à notre site internet »)? Sous-entendrait-on que voilà un débat pour initié seulement? Il est vrai que les blogonautes n’en feront qu’une bouchée. On ne mélange pas les genres.
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J’explique comment « bloguer pour influencer » prend racine dans un déplacement de la confiance du public, dans le collectif « Pourquoi bloguer (dans un contexte d’affaires) » qui sortira bientôt. Il est actuellement en prévente et je me ferai un plaisir de vous le dédicacer.
Pour ma part, j’aime bien cet extrait: «Les journalistes qui s’intéressent aux blogues ont une utilité, c’est de s’assurer que chacun des militants adéquistes mette son énergie sur des choses bien productives.»
Je fais du pouce…
Si Mario Dumont le chef de parti sous-entend qu’il accepte le principe que les blogues puissent être «utiles» pour les journalistes comment peut-il les trouver en même temps «inutile» d’un point de vue «stratégique» sur le plan politique. Je crois qu’il se trahit dans l’extrait du haut.
Un chef de parti s’intéresse inévitablement à ce à quoi les journalistes s’intéressent et en admettant que les blogues aient leur utilité pour les journalistes il confirme son intérêt implicitement.
Pour le reste de sa déclaration j’y vois une tentative d’éviter qu’on le questionne sur l’affaire Élodie. Sur mon blogue, j’ai risqué une interprétation à partir de ses déclarations. Je crois que ses paroles exactes (s’il était allé au fond de sa pensée) auraient pu être, «On me dit qu’en théorie, ce n’est pas une perte de temps, les blogues, mais je viens d’expérimenter dans les derniers jours qu’il est possible de gaspiller beaucoup de temps avec ça!»
Enfin, j’ai bien hâte de lire ce que les blogueurs adéquistes pensent de cette position de leur chef!
Une province au sud du Nunavut mais encore…
Anonyme,je crois que c’est entre le Manitoba et le Labrador…