En posant la question récemment qui, du savoir académique ou du savoir profane, a une meilleure connaissance du monde, on serait tenté évidemment d’hiérarchiser sur une échelle de valeur la qualité des savoirs.
Mais y a-t-il un différence?
Il y a dans la méthode académique une méthodologie puissante qui permet de construire une connaissance de façon structurée et perenne.
Le savoir profane, moins rigoureuse, offre néanmoins les qualités du « bons sens commun ». Mais il faudrait alors déterminer la signification du sens commun.
Tous les deux offrent des excès. Le premier dans quadropillectomie (l’art de couper les chevuex en quatre) et l’autre dans la paranoïa collective (rumeurs et conspiration).
Mais tous les deux découlent d’un processus cognitif. Le raisonnement de l’activité académique fait partie du bagage que chacun utilise (ou peut utiliser) pour émettre son savoir profane.
Alors la différence réside dans le fait que la connaissance scientifique demande la suspension des croyances et des désirs.
Savoir profane et Folks Theories?
Le savoir académique, structurellement, permet la construction de certains savoirs qui nécessitent un long apprentissage. Une fois arrivée à un pallier conceptuel, ce savoir passe dans le sphère profane. Pensons à Galilé, Newton ou Einstein : leurs révolutions des esprits ne nécessitent plus une formation poussée pour être comprises aujourd’hui (du moins sous leur forme vulgarisée).
Mais aujourd’hui justement, à part d’exceptionnel domaine pointu, la somme des savoirs manipulés par le public profane correspond à un celui d’esprit très avancé à une époque précédente.
Les humains forment des théories sur le monde qui les entoure : nous serions des scientifiques. On collectionne des données, forme des hypothèses, transforme nos idées en tenant compte des données.
Mais les capacités cognitives des profanes reposent encore sur des corps de croyances (ou de connaissances ?) qui constituent des “théories naïves” (appellé aussi folk theories) des domaines manipulées.
Quand on parle de gestion de la connaissance (km) on parle pourtant de ce savoir profane. Quel serait l’intérêt alors si ce savoir là était méprisé? Si ce n’était que des folk thories, pourquoi s’y attarder?
La blogosphère est un vivier de théories profanes. Internet génère la construction et le partage d’une connaissance profane qui n’a pas reçu l’aval d’une institution légitimante. Un savoir émerge et elle se crée ses propres outils d’auto-légitimation.
Je vais vous entretenir sur cet objet de recherche qui me passionne au cours des prochaines semaines…
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Il faut absolument lire le bijou : La formation de l’esprit scientifique de Bachelard.
Actuellement, je médite sa phrase La science crée de la philosophie (dans Le nouvel esprit scientifique) et j’essaie de voir si «L’internet crée de la philosophie.»
Il y a certainement un lien à faire entre ce que tu décris et le concept du même (meme), auquel je crois beaucoup.
« Il y a dans la méthode académique… »
« Le savoir profane, moins rigoureuse,… »
Ces deux paragraphes donnent déjà une première indication. Il n’y a pas de différence de nature entre ces deux formes de connaissance. C’est une question de méthode. C’est la méthode employée pour produire la connaissance qui lui confère son statut.
On ne les distingue pas davantage en les hiérarchisant, mais en les confontrant au principe de pertinence. La connaissance de sens commun répond à un projet existentiel, quant à la connaissance académique, elle répond à un projet d’objectivité et de scientificité. Ce sont leur projet respectif qui fonde le choix de la méthode et de là le statut de la connaissance.
La connaissance scientifique et la connaissance de sens commun ont toutes deux leur portée pratique respective.
Pour le km en contexte d’entreprise, la connaissance de sens commun a tout autant d’importance que la connaissance scientifique parce qu’elle n’est pas sans pertinence, bien au contraire. Elle peut représenter, mais de manière différente, le même intérêt en terme de développement, d’avantage relatif ou absolu face aux compétiteurs, de positionnement stratégique, etc.
Pour prendre un exemple dans un domaine que je connais mieux, les savoirs d’expériences développés par les enseignants ne sauraient prétendre au sens stricte à la scientificité. Cela disqualifie-t-il pour autant ces savoirs. Pas le moins du monde. Il y a tout un courant visant à valoriser ce type de savoirs et à les promouvoir. À mon avis, le courant de la pratique réflexive en est un exemple. Toute la question du transfert d’expertise en période de renouvellement important du personnel se fonde sur cette reconnaissance des savoirs d’expériences.
Dans une perspective pragmatique,
on ne saurait donc faire fi de la valeur intrinsèque et de la fécondité heuristique et pragmatique des savoirs d’expérience, et par extension de sens commun.
Vous m’excuserai de ne donner aucune référence. J’interviens « à chaud » et il y a bien longtemps que je n’ai plus traité un peu sérieusement d’épistémologie. Je vous livre tout de même ce quelques remarques en pensant qu’elles pourront peut-être vous être utiles.
Cela dit, je suivrai avec intérêt votre réflexion.
Merci François pour la découverte et les liens du « mène ».
Je connaissais vaguement le concept, mais wikipedia et ton commentaire à ce moment-ci de ma réflexion me permet d’en voir la portée et l’intérêt.
Comme je parlais de la blogosphère comme un vivier dans le titre de mon billet, ce concept viral y trouve sa place.
J’ai l’impression que ce phénomène « affecte » plus le savoir profane que le savoir scientifique (rumeurs, conspiration, croyance, panique, etc). Car l’information véhiculé par le « mène » doit être validé avant d’être utilisé dans une démonstration scientifique, ce qui réduit son innocuité.
Ah man, c’est _mème_! Pas « mène »! Mince!
Merci André pour amener dans la discussion les savoirs d’expériences développés par les enseignants.
En fait on pourrait ajouter tous les savoirs d’expérience, les expertises pragmatiques. A priori je les aurais mis du côté du savoir profane (ou du sens commun). Mais ça serait occulter une différence de taille:
Je limitais jusqu’à maintenant le savoir à une notion intellectuelle (d’où la méditation de Gilles sur si « L’internet crée de la philosophie. »). Le savoir académique/scientifique peut générer des connaissances théoriques qui seront validé sur le terrain que plus tard. Le savoir profane génère aussi des idées (des « mèmes ») qui sont aussi des théories (spiritualité, psychologie, et plus) mais qui acquiert souvent leur validité par sa propagation par le plus grand nombre.
La différence est que le savoir d’expérience a un statut à part. Il s’est confronté à la réalité et a acquis son autorité avec le temps.
J’imagine que le défi dans le cadre du transfert de connaissance (comme le renouvellement des professeurs par exemple) est l’harmonisation sur l’interprétation des expériences sur le terrain (on dit souvent qu’il y a autant de façon d’enseigner que de professeur, c’est parce qu’il ne peut y avoir une uniformisation de la réalité, j’imagine).
Le savoir pratique, l’expertise, je note donc, doit être considéré à part entière. Mais je crois que c’est quand viens le temps de l’expliciter que là il se range soit du côté du savoir académique (scintifique) ou du côté du sens commun (profane). Le discours sur l’expertise est un savoir sur le savoir.
Très intéressants vos échanges les gars! Il y a Schön et Argyris qui ont écrit pas mal sur les savoirs professionnels aussi.
Alors la différence réside dans le fait que la connaissance scientifique demande la suspension des croyances et des désirs.Avec la méthodologie du « design experiment » (Brown & Collins) qui est en montée pour répondre aux besoins des contextes d’innovation, cela m’apparaît un peu moins vrai puisqu’on peut partir d’une idée et déployer un processus itératif de développement/évaluation qui permet de mettre en place des conditions x,y,z et de les valider/infirmer/modifier au fur et à mesure de l’implantation.
salut
on n’a pas trouvé une ample explication de la fiabilité d’information sur les blogs et les wikis
Deux Binomes, la fiabilité de l’information sur les blogs et les wikis ne sont pas, à mon avis, « valideées » de la même façon que l’information « officielle ». Dans le lot de tout ce qui est (auto)publié sur le web, seul ce qui est pertinent et jugé valable « remonte » (« percole ») à la surface (c’est à dire à la masse du public)…