Les moteurs de recherche Internet ont changé la façon dont les bibliothèques (principalement académiques) devront concevoir et programmer leur catalogue. Les utilisateurs possèdent déjà une habitude de recherche que les bibliothécaire doivent tenir compte dorénavant. Les utilisateurs « finaux » sont devenus maintenant des utilisateurs « initiaux ».
Olivier Ertzscheid (sur son excellent blogue Affordance) fait ressortir les 5 « révolutions » pour les bibliothèques numériques telles que Dominique Lahary les décrit dans sa présentation « un nouveau paradigme? » (PowerPoint tiré des Actes de la journée du 10 octobre organisée en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France : « Bibliothèques numériques : Où en sommes-nous ?« )
Les 5 « changements de paradigme »
La recherche dans un catalogue sont dorénavent profondément différent (les titres sont de Dominique Lahary, mais les commentaires sont de moi, à partir de ceux d’Olivier) :1. « On cherche partout à la fois ».
C’est à dire on cherche dans une méta-collection et non plus dans une collection. Des cloisons par format (document audio-visuel, livres, oeuvres d’art) ou par département ne tiennent plus.2. « On cherche avec ses propres mots »
On utilise le langage naturel au lieu d’utiliser le code des documentaristes, pourtant plus « raisonné ».
On préfère rechercher dans des classifications a posteriori (clusterisation, social bookmarking) qu’apprendre une classification a priori (comme le système Dewey)3. « On veut de l’information primaire »
On préfère se faire offrir tout de suite le contenu plutôt qu’un catalogue de contenu. L’accès au document plutôt qu’une indication d’accès.4. « On fait tout avec le même outil »
C’est la googlisation de l’interface. Mon accès à l’information ne doit pas être limité à un outil.
C’est aussi le « généralisme au lieu de la spécialisation », « le flou au lieu de la frontière » : la revanche de la recherche de type « définition » au lieu de la recherche savante (cherchez les étoiles ne doit pas retourner un traité d’astro-chimie-nucléaire).5. « On veut accéder de chez soi, de partout »
Si l’accès se fait par ordinateur, il n’y a plus de raison que l’on ne puisse pas le faire de n’importe où (il est fini le temps de la ligne d’attente derrière le poste de recherche). Pourquoi pas, rajouterais-je, pouvoir chercher dans les rayons à partir de son téléphone portable?…
Le bruit fait peur aux bibliothécaires, pas aux utilisateurs
C’est ainsi que Dominique Lahary finit son exposé.
Il existe un besoin de chercher dans le flou général (sacrilège!). Ce qui est irrémédiable c’est l’interface unique et la possibilité de chercher partout à la fois.
Je préciserais personnellement que par « interface unique », on doit entendre une recherche floue à 1 champ (comme Google) mais aussi une interface API, c’est à dire que les moteurs et les bases s’interconnectent indépendamment. « Pour exister, il faut être indexé par les moteurs » dit Lahary.
Pour les bibliothécaires, le service à offrir ce n’est pas le moteur de recherche, mais la base de données.
Le déplacement de l’autorité
Ce constat est à rapprocher de mes billets sur le même sujet l’an passé (qui découlent de réflexions d’Alexandre Serres et Olivier Ertzscheid) qui nourrissent mon intérêt pour l’autorité cognitive sur Internet.
La place de l’accès à information pour le grand public (tiré de mon billet du 9 septembre 2004) a grandement changé:
1-Autonomie: L’affranchissement des usagers face aux spécialistes (documentalistes / bibliothécaires) (Si le sujet vous intéresse : The Information Industry Revolution: Implications for Librarians )
2-Démultiplication des sources: l’auto-publication augmente la quantité de document disponible (surabondance d’information, avalanche de blogues, etc) (Si le sujet vous intéresse : How much Information?)
3-L’engin de recherche est une commodité: l’outil est devenu en soi un média, nous avons vite oublié que ce n’était pas un outil de tous les jours (Si le sujet vous intéresse : Recherche d’information sur Internet : où en sommes-nous, où allons-nous ? –Alexandre Serres)
4-Apparition du hasard comme facteur de réussite: d’une recherche structurée avec clefs booléen d’antan, on est passé à l’ère où un document se découvre par hasard au détour d’un clic. (Si le sujet vous intéresse : Chercher faux et trouver juste: Serendipité et recherche d’information –Olivier Ertzscheid)
5-Déplacement de la barrière: l’accès à l’information n’est plus un problème, la capacité de traitement de cette information est devenu la nouvelle barrière. (Si le sujet vous intéresse : Problèmes et enjeux de l’évaluation de l’information sur Internet)
6-Déplacement de la l’autorité de validation (« autorité » au sens de « expert en la matière ») : les filtres de validation (le libraire, le journaliste, le curé, l’intellectuel, le professeur, le critique) ont été court-circuités et la validation d’un document repose sur l’usager.
Un nouveau rapport à la connaissance s’installe et elle s’exprime par les modes d’accès à l’information.
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Salut Martin,
dans la même veine (et parce que tu as des enfants et moi pas) il y a Normand Baillargeon à Indicatif Présent qui parle de la réforme de l’éducation au Québec et ce que je crois être un aspect important de l’autorité cognitive : l’apprentissage humain (et qu’est-ce que l’expertise) : http://radio-canada.ca/radio/indicatifpresent/chroniques/66635.shtml
Excellentes observations.
Selon une une enquête de l’OCLC, un internaute sur deux aurait déjà effectué une recherche sur un moteur qui aurait aboutissant sur un site de bibliothèque.
Personnellement, via les moteurs je suis souvent tombé sur Décitre ou Amazon mais jamais au coeur du catalogue BNF ou BPI! Alors je ne sais pas quelles sont les conditions techniques d’un tel référencement des bases.