Médias sociaux

Parler pour ne rien dire

Curieuse statistique : 40% des gazouillis sur l’outil de micro-bloggage Twitter serait du bavardage futile (« pointless babble »), c’est-à-dire « parler pour ne rien dire ». Ça a fait le tour du monde… blogosphèrique. L’étude sortie la semaine dernière a fait chauffer beaucoup de pixels. Et si c’était plutôt l’étude qui parle pour ne rien dire?

Capture d’écran 2014-04-13 à 10.52.25

Et pourtant, elle n’est pas inintéressante, cette étude, au contraire. Rappelons les faits, pour ceux qui étaient offline sur la plage.

Résumons
L’étude a capturé au hasard près de 2000 gazouillis, entre 9 heures et 5 heures, du lundi au vendredi, deux semaines de suite,  en les répartissant les résultats dans 6 catégories.

Voici les 6 catégories:

  1. (3.6%) News: les fils des médias trad comme Radio-Canada ou France-Info (ils excluent Techcrunch et autres médias sociaux)
  2. (3,.75%) Spam: ils proposent les mêmes âneries que pour le courriel (en espérant que vous le captiez en faisant une recherche), ils squattent les mots clefs (#hastags) populaires (ex « see how I enlarge you twitter follow-up base »)
  3. (5.85%) Self-Promotion: ces gazouillis qui redirigent vers le blog ou le site du gazouilleur pour promouvoir son contenu.
  4. (40.55%) Pointless Babble (bavardage inutile): « Je mange un sandwich »
  5. (37.55%) Conversational: Tout gazouillis dialoguant avec un usager (en utilisant un @)
  6. (8.7%) Pass-Along Value (relais): tout gazouillis qui retransmet la conversation d’un autre usage (en utilisant un RT)

Quel titre pensez-vous que la plupart ont utilisé pour transmettre l’information? 40% des gazouillis sont du bavardage inutile (catégorie 4).

Pourtant, pourtant
On aurait pu aussi bien additionner les deux dernières catégories (5. conversation et 6.relais) comme représentatives du média social (échange des informations bottom up ou à l’horizontale) et obtenir ce titre à la place: 46% des gazouillis sont des informations utiles socialement (37.55% + 8.7%) !!

Les « conversations utiles » sont divisées en deux à cause d’un vecteur explicite (l’usage ou non du code @ ou RT). Mais quand est-il de l’usage implicite? Si je tweet « Je suis sortie du métro » et qu’un groupe m’attend au restaurant, ne suis-je pas en train de converser. Mon tweet apparemment  insipide en apparence annonce une importante nouvelle pour mon groupe d’amis qui attendent avec impatience que j’arrive!

« Je mange un sandwich », tweet insipide pour vous, peut être une nouvelle importante pour la famille d’un anorexique!

Et alors?
« What are you doing? » (qu’est ce que vous faites) était la question originale demandé dans l’interface de  Twitter.

J’imagine bien Einstein aujourd’hui gazouiller « Wunderbar, E=MC2 » et le voilà classé dans le bavardage inutile.

Si on prenait un échantillon de tous les articles publiés, de tous les livres publiés, des émissions de radio diffusées, des appels téléphoniques, nous allons toujours, je dis bien toujours, trouver un nombre effroyable de bavardages insensés, inutiles, futiles, ridicules… En moyenne. Et alors?

Voyez-vous, dans la communication médiatique, sociale ou traditionnelle, on n’écoute pas tout, on choisit! La communication en réseau n’est rien d’autre que ça : repérer du signal dans une mer de bruit!

Il est donc inutile de souligner que 40% des gazouillis sont futiles, ce n’est que répéter qu’il y a du bruit. On ne fait que parler pour ne rien dire? Non, ça veut rien dire pour vous, parce que vous n’êtes pas le destinataire du message.


Post-scriptum du lendemain :

Lire aussi Jean-François Renaud (Adviso) : Twitter, un outil pour rejoindre les ambassadeurs (18 août 2009)
«on dit que 5% des utilisateurs créent 75% de l’activité [Sysomos]. C’est le même constat que l’on fait dans les réseaux sociaux en général où 1 à 10% des utilisateurs créent du contenu dont 100% profite. La question dont peu d’articles font état, c’est la notion d’actif. Est-ce qu’un utilisateur qui ne fait que lire des twitterers plus actifs que lui et qui clique sur les liens proposés doit être considéré comme inactif ?»

Et aussi Danah Boyd Twitter: « pointless babble » or peripheral awareness + social grooming? (16 aût 2008) (via Yann Leroux)
«I challenge each and every one of you to record every utterance that comes out of your mouth (and that of everyone you interact with) for an entire day. And then record every facial expression and gesture. You will most likely find what communications scholars found long ago – people are social creatures and a whole lot of what they express is phatic communication.»

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

14 thoughts on “Parler pour ne rien dire

  1. « Parler pour ne rien dire d’intéressant »

    Ça m’étonne pas beaucoup de Twitter. Je vais faire ringard mais ça m’intéresse pas tout comme le tel. mobile accroché à son oreille.

    Actuellement je suis étonné de la richesse des commentaires sur le blog de Paul Jorion a propos d’économie. Plusieurs commentaires sont long et digne d’être des articles de presse.

  2. La manière dont je vois Twitter s’inscrire dans le nouvel écosystème de la communication, c’est un « contact communicationnel qui pointe ». C’est sur les blogues que se développe la ‘substance’, comme tu le signales…

  3. Je suis adepte de Twitter, mais c’est un truc de «pro»… il serait aussi intéressant de mener une étude longitudinale pour évaluer la persévérance Twittienne des utilisateurs 5 mois après l’inscription. Ça devrait ressembler à nos problèmes de décrochage scolaire…

  4. Luc, je n’ai aucun doute que Twitter est un truc de «pro». C’est pour ceux qui ont le «monde» comme caisse de raisonnance. Les autres resteront pragmatique et s’en tiendront à du concret avec leur réseau privé sur Facebook.

    Pour reprendre l’analogie du «décrochage scolaire», Facebook serait le collège et Twitter l’Université. Le taux d’abandon devrait être similaire…

  5. Facebook est aussi une excellente caisse de résonnance dans le monde pour peu que l’on s’applique… Mes vrais copains commencent à me trouver pas mal «platte» avec ma veille informationnelle… et machins promotionnels pour la bibliothèque sur FB

  6. Luc, la tendance qui se dessine aujourd’hui est que FB se restreint à un usage vraiment perso et privée (on parle de sa vie) et LinkedIn pour son côté professionnel. Et Twitter aussi.

    Je compte dans la prochaine année graduelleemnt réduire mes « amis » à ma famille et les amis proches.

  7. Martin, ça dépend de ce que l’on veut faire. Pour ma part, Facebook m’apparaît beaucoup plus approprié pour atteindre ma clientèle des bibliothèques publiques et les fanas de l’info. Il me permet un beau cocktail hybride : du sérieux, du ludique et de l’inutile rigolo. LinkedIn c’est encore pour des réseaux «narcissiques» de pro… ça ne perce pas avec monsieur/madame/tout/le/monde. Je ne dois pas être tendance, c’est ok ça m’a permis d’éviter les 3 derniers crash économiques à la bourse… 🙂

    Twitter trop engoncé avec ses 140 caractères et son aspect graphique et multimedia sommaire…

    Un peu surpris cette semaine, j’ai lu que Michelle Blanc utilisait de plus en plus FaceBook comme agrégateur

  8. Début du 20e, des gens devait dire que le telephone c’etait un truc de « pro » ou personnel ou privé.

    Le telephone, FB, Twitter c’est un outil de communication.

    J’ai vu Thierry Crouzet qui utilisait Twitter pour écrire un roman. Maintenant il faut voir l’utilisation principale d’un outil. Un marteau c’est avant tout pour enfoncer un clou mais il y a d’autres utilisations.

    Désolé de rappeler a Martin et Luc ces choses si banales.

  9. Espritlogique, sans vouloir enfoncer le clou.. «Le telephone, FB, Twitter c’est un outil de communication.». Joli truisme, on est en bonne compagnie au rayon de la banalité.

  10. Je ne crois pas que le débat tourne autour du « besoin » des réseaux sociaux ou de leur usage, mais bien autour de quel fonction ils remplissent dans la société.

    Je crois que l’on utilise FB, Linkedin, Twitter, les blogs, etc pour des raisons qui sont peut-être apparentées (communication, réseautage, etc) mais dans des buts peut-être différents.

    Par exemple, je pense que Michelle Blanc utilise plus Facebook (au delà des avantages de l’interface et des outils disponibles) pcq le côté personnel de sa personnalité public a besoin de cet espace (on suit Michelle de façon « personnelle et quasi-privée »).

    Linkedin particulièrement et dans une moindre mesure Twitter sont plus « froid », plus « public »…

    Sur LinkedIn, on ne cherche pas des « amis », mais des « contrats »… Twitter a un fonction (du à sa limitation de 140 caractères) plus comme un système de veille partagé (veille qui est peut-aussi être de l’auto-promotion)…

  11. Que la force soit avec toi, Luke ! 😉

    @Martin
    Les fonctionnalités de base entre Linkedin et Facebook sont assez semblable. Maintenant l’objectif est plus professionnel en général sur Linkedin avec une interface plus sobre et sans les applications ludiques et multimédia de FB.
    Les pages fan de FB ont été pensé aussi dans une approche marketing/ promotion. D’ailleurs mon blog sur le cinema recoit plusieurs visites graces a ces pages de fan. Cet option n’est plus mis en avant comme au départ.

    Dans une réunion (Yulbiz-Montréal), j’ai parlé avec un entrepreneur d’une start-up Web me dire qu’il avait réussi a faire des contacts avec des « business angel » grâce à FB et qu’il avait peu de contact sur Linkedin. On peut utiliser FB avec un usage « pro » en remplissant en conséquences les champs nécessaires.

    Twitter amène une nouvelle fonctionnalité en agrègent plusieurs micro-fonctionnalités anciennes comme le ‘chat’ (icq) et le partage de liens.

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