Alex Cambell (DTDigital / OgilvyInteractive, Melbourne) écrit dans son blog aujourd’hui: I no longer depend on Google to find stuff (via BrunoBoutot)
«Today I had a stark realisation: I no longer depend on Google to find stuff. I still use it to locate things: e.g. “find me the Wikipedia page on Ted Kennedy’s acquatic activities”. But I rarely – if ever – use it to find businesses, places to visit, interesting blogs, etc.»
« Je ne dépends plus de Google pour trouver de nouvelles choses » dit-il en substance. Google est toujours utilisé, comme assistance à la recherche, trouver ce que l’on cherche (une page Wikipédia, par exemple) mais les réseaux sociaux servent à trouver des choses, des recommandations, des suggestions, des découvertes… (ex. Twitter, Praized, Facebook, Friendfeeds, Linkedin, Viadeo, etc).
In Google we trust?
Il pointe quelque chose d’intéressant: les réseaux sociaux sont basés sur la confiance (« trust »). Ce que n’a pas Google, dit-il.
Il exagère un peu, mais sur le fond, on peut dire qu’avec la montée en puissance des professionnels du rayonnement web, on peut se demander si la pertinence est toujours au rendez-vous…
Je dirais pour être plus juste, Google est plutôt un outil de popularité. Les réseaux sociaux tablent eux vraiment sur la confiance. Voilà une nuance fort pratique lorsqu’il s’agit d’expliquer la valeur stratégique du web 2.0.
La montée de réseaux sociaux
Le genre de discours que porte Cambell rejoint les échos qui grandissent depuis la montée des réseaux sociaux depuis quelque temps. Son mérite est de le formuler d’une façon percutante et libératrice (« nous ne sommes plus dépendants de Google ») et en ce sens il rejoint mon point fait hier dans le billet Les couloirs numériques, où je présente Twitter comme outil de sérendipité professionnel.
Mais Cambell s’arrête en chemin — il fait une conclusion typique de la blogosphère anglophone très portée sur le fonctionnel et l’impératif (« if your brand is not social then it doesn’t exist »). L’ouverture qu’il a créée mérite que l’on ferme la parenthèse pour lui, pour notre plus grand bonheur cognitif.
Descendre du piédestal
Voilà ce qui se passe : Google est en passe de devenir ce qu’il a toujours été : un simple moteur de recherche, un outil pour trouver quelque chose que l’on cherche. Jusqu’à tout récemment son monopole de succès le rendait maître des lieux. Il représentait par métonymie l’Internet au complet.
Ce que Cambell dit, c’est que la sérendipité («fortuité» selon le Grand Dictionnaire) n’est plus une exclusivité de Google. «Fait de trouver quelque chose alors même qu’on recherche autre chose» se fait en butinant sur les réseaux sociaux maintenant. Mais qu’est-ce que chercher?
IR
Olivier Ertzscheid et Gabriel Gallezot, dans Chercher faux et trouver juste, serendipité et recherche d’information (PDF) expliqué qu’il y avait un sens double à « rechercher ».
– Il y a « rechercher » de la recherche d’information (Information Retrieval en anglais, IR)
– Et il y a le « rechercher » de l’épistémé, la recherche (Research en anglais).
Bon, ne vous sauvez pas parce que j’ai employé « épistémé »: « recherche » est trop ambigu, alors je garde le terme académique.
Pour l’IR, Google est un outil du traitement de l’information sur un corpus documentaire.
Pour l’épistémé, le but est de découvrir, de produire de nouvelles connaissances.
Vous êtes comme M.Jourdain et vous faites de l’épistémé sans le savoir à chaque fois que vous découvrez quelque chose sur les réseaux sociaux (d’ailleurs comment avez-vous « découvert » ce billet?)
Les trois recherches
Ertzscheid et Gallezot résument les 3 « états initiaux » de l’IR (Information Retrieval / recherche d’information).
1- [Je sais] [ce que je cherche] . On fait alors des requêtes (Querying). C’est l’usage que Cambell semble vouloir faire de Google quand il cherche une page Wikipédia sur un sujet.
2- [Je ne sais pas] [ce que je cherche]. On procède par exploration (Searching), induction et abduction (avec moi vous avez des mots qui comptent triple pour le Scrabble). C’est le type de découverte que vous faites en librairie en repartant avec le livre à côté de celui que vous recherchiez. La structure de l’endroit ou du classement favorise ou non la sérendipité. Un BarCamp permet ce type de découverte.
3- [Je sais] [que je ne sais pas ce que je cherche]. Ici, nous sommes en mode d’apprentissage (Learning). C’est l’état dans lequel vous êtes quand vous entrez dans un réseau social. Vous pourriez autant trouver la référence au billet de Cambell que le fait que votre ami mange un sandwich…
Google nous a offert pendant plusieurs années ces trois types de recherche. Ce qui a été dit ici, c’est que le troisième type n’est plus l’apanage de Google, qu’il a perdu (définitivement?) son emprise sur ce secteur.
Quand on dit que ne sommes plus dépendant de Google, c’est affirmer que l’influence de la sérendipité en matière de construction de connaissances ne repose plus dans les mains monopolistiques du géant de Mountain View.
Les réseaux sociaux sont nos moteurs de confiance et carbure à notre saine curiosité. Ils répondent à ce besoin de confort communautaire de construction de la connaissance…
À la boutade je rajouterais un 4e type:
4- [Je ne sais pas] [ce que je ne cherche pas].
Nous sommes ici devant le cas de pourriel, le spam 😉
La distinction entre les trois types de recherches est en effet très importante.
Souvent, dans les médias sociaux, nous recevons de l’information de façon passive, un peu comme nous regardons la pub à la télé : « Tiens, Benoit a passé le weekend sous la pluie au Baluchon ».
Je pourrai faire une recherche active dans les médias sociaux si je me demande ce qui se passe de bon avec mon client Benoit —> je clique sur son nom dans ma liste d’amis Facebook.
Par contre, si je veux en savoir plus sur telle ou telle auberge, c’est Google que je vais utiliser.
À cause de ce phénomène de « confiance » que Google n’a pas, le mastodonte de Mountain View est en train de devenir exactement ce qu’il a « disrupté » il y a 10 ans, soit un média « traditionnel ».
Étienne, dans le PDF o fait allusion à sérendipité plutôt « passive » :
le « blind luck » où seul le hasard est à l’origine d’une découverte informationnelle. Ils soulignent l’importance, par contre, du « principe de Pasteur » selon
lequel « le hasard ne favorise que les esprits préparés ».
Ils parlent de « sérendipité positive » pour désigner l' »observation d’un fait non anticipé suivi d’une
abduction correcte »
Ils citent le groupe Bourbaki qui « avait pris comme habitude d’inviter à ses conférences de jeunes confrères en leur demandant d’intervenir sur des domaines où ils n’avaient aucune expérience, pariant ainsi sur leur fraîcheur d’esprit pour apporter idées neuves »
Ça ressemble au hasard quand on rentre sur twitter
Sébastien, je suis d’accord avec ce sentiment que Big G devient « trad » …
Une de mes collègues a eu la chance d’assister à la conférence de Véronique Marino lors des Rendez-vous des médias citoyens du 26 août 2009.
Dans son rapport de conférence, je lis, un peu surprenant, mais c’est concomitant avec le propos de Campbell :
«En quelques années, le trafic sur Internet a changé. En 2005, 60% du trafic sur Internet était dirigé sur Google (l’internaute tape sur Google pour faire une recherche et se diriger sur le web). En 2009, 65% du trafic est dirigé par les médias sociaux et Google représente 15%»
Étonnant!
Luc
Luc, je relativiserais les chiffres de Véro; elle cite un cas qui ne m’apparaît pas scientifique (ces chiffres circulent sur Internet mais je ne ne retrouve plus la source).
Mais si je ne suis pas d’accord sur l’ordre de grandeur, je suis d’accord sur le fond. Plusieurs blogueurs ont remarquer une augmentation significatives des « referrers » venant des réseau sociaux (moi c’est 15%).
J’ajouterais même que ces visites sont définitivement de meilleur qualité que les visites « organiques ». Elles sont en plus en lien avec mon contenu.
« Je dirais pour être plus juste, Google est plutôt un outil de popularité. Les réseaux sociaux tablent eux vraiment sur la confiance. Voilà une nuance fort pratique lorsqu’il s’agit d’expliquer la valeur stratégique du web 2.0 » : AMHA il y a un peu d’utopie dans ce propos, comme il y avait eu de l’utopie lors de l’explosion de la blogosphère. Je ne vois pas vraiment où est la confiance dans les réseaux sociaux (intrinsèquement du moins) : mes contacts dans ces réseaux sont pleins de gens que je ne connais pas ou à peine. On va se lier avec des gens pour faire bien, ou au contraire éventuellement ne pas se lier dans ces réseaux à des gens avec qui on a pourtant des liens dans la vie réelle. La structure en réseau fait aussi qu’il peut être possible de créer des groupes leaders d’opinion… Bref les réseaux sociaux ne sont pas plus transparents que les algorithmes des moteurs. On y retrouve l’information que les utilisateurs veulent bien mettre, éventuellement embellie pour satisfaire ses objectifs.
La serendipité n’a jamais été le but d’un moteur de recherche. Bien au contraire un bon moteur est censé faire remonter précisement ce que l’on cherche. La serendipité dans un moteur serait plutôt un echec en fait.
Je préfère exploiter tous ces médias (moteurs, blogs, social-machins…) tout en n’ayant une confiance absolue en aucun 😉
Sébastien, merci du commentaire.
Pour la sérendipité absente des moteurs, je serais d’accord si, contrairement à l’usage des moteurs bibliothécaires, nous n’étions pas en train de chercher un document. Mais si, par contre, Google peut être utilisé ainsi, accordons-nous. Mais un usage détourné, et bien répandu, en faisait un outil de découverte.
La sérendipité n’est pas une perte de temps, c’est la découverte d’une solution via un moyen insoupçonné ou même la découverte à un problème non posé. Je ne suis donc pas sûr que la sérendipité doive être absente des moteurs.
Mais peut-être avons un usage différent de Google (en qui, soit dit en passant, j’accorde une confiance relativement positive quant aux résultats, quoi que moins prononcé depuis l’avènement des réseaux sociaux).
Sur le point des réseaux sociaux, par contre, je crois, nous avons sûrement un usage opposé (ce qui ne veut pas dire que l’un ou l’autre ait tord).
Je dois insister pour dire qu’intrinsèquement les réseaux sociaux (ou plutôt les « outils de réseautage réseau ») sont foncièrement basés sur la confiance.
Ils sont conçus pour bâtir autour de soi des liens validés, éprouvés et authentiques.
Je ne parle pas ici de rentrer sur myspace.com et de naviguer à vue, je parle ici de monter sa propre base de données de liens privés (ou professionnel pour Linkedin) de façon volontaire.
Si les gens que l’on invité chez soi ne sont pas dignes de confiance, ce n’est pas que les « partys » ne sont pas « trustables ». C’est la liste des invités qui est douteuse.
Les réseaux sociaux sont à mon avis, et contre votre point de vue, beaucoup plus transparents que les algorithmes des moteurs que vous ne le pensez.
Je ne parle pas ici de l’usage commercial des renseignements privés, etc. Seulement de la relation de confiance entre une information fournie par son propre réseau social (à ne pas confondre avec Vérité avec un grand V) et une donnée fournie par un algorithme.
Je suis effectievement sur plusieurs réseaux sociaux (ou plutôt plateforme de réseautage) et je suis d’accord pour dire que pour certains je n’ai aucune confiance. Mais on parle de confiance. Les réseaux sociaux carburent à la confiance (négative ou non).
Google, lui, redevient un algorithme d’aide à la recherche documentaire.
(et, oui, il ne faut pas avoir une confiance absolue en aucun, ce qui est toujours la meilleur façon d’être un citoyen averti 😉
Sur la valeur d’une information, Olivier Ertzscheid et Gabriel Gallezot nous rappelle dans leur pdf qu’une information est appréhendée sur les bases de constructions cognitives antérieures. Je rejoins Sébastien Billard quand il voit de l’utopie entre une confiance « populaire » (Google) et une confiance « expérimentale » (un réseau social). Notre confiance dans Google (ou un autre moteur de recherche) est également basée sur notre expérience et la qualité (ou la médiocrité) des résultats renvoyés. Chacun a sa propre expérience (ses propres process cognitifs) de l’outil. Il y a bien une couche de confiance basée sur la popularité de l’outil (si Google le dit…), mais elle fait partie du tout, de l’indice de confiance globale d’un individu. Du coup, il n’y a pas dichotomie entre les deux, il n’y a pas plusieurs confiances mais des préférences. Un individu ne fait pas le même usage d’un moteur de recherche que d’un réseau social et pourtant les processus cognitifs d’investissement de la confiance dans les informations qu’ils renvoient sont les mêmes. Dois-je croire cette information parce qu’elle provient de Google ou parce que mon ami me l’a dit ?
Guillaume-Nicholas : « Dois-je croire cette information parce qu’elle provient de Google ou parce que mon ami me l’a dit ? »
OK. La question est bien posée. Je crois que mon texte tient pour acquis que « mon ami est plus crédible ». Et je n’avance pas de preuve (outre mon intuition). Il faut poursuivre la réflexion sur la crédibilité.
Par contre, pour nuancer alors le débat, si on parle alors de « valeur perçue » et de « pertinence de l’information », foncièrement subjectives, la rumeur de mon entourage déclasse celle de Google.
Google serait le classement « mondial » de la popularité d’un document (« popularité » étant le résultat du « Pagerank »). Et le réseau social ma première ligne d’alerte de popularité locale d’une information montante (donc hors radar pour Google, mais pas pour Twitter).
Est-ce que ça recentre le débat d’une bonne façon?
nice info thanks for share
Bonjour Martin,
Je me suis permis de continuer sur mon blog le débat (trop long pour un commentaire il me semblait).
http://www.guillaume-nicolas-meyer.fr/maitrise-des-informations/information-confiance-et-credibilite
Cordialement,
Merci Guillaume-Nicolas de continuer la réflexion.
même si vous avez pris le soin d’insérer le hashtag approprié. La chose n’est évidemment pas impossible
Salut, ceci est une page web très intéressante et j’ai apprécié la lecture de nombreux articles et messages contenus sur le site, suivre le bon travail et j’espère lire un contenu plus intéressant à l’avenir. Je vous remercie beaucoup. http://isitjustdownforme.com/