Apophenia pose une question : « Are Bloggers Journalists? » Elle répond « Wrong Question.«
(tableau : Martine Rassineux « Les Rois »)
Elle souligne que l’on peut tous nommer des carnetiers qui ne sont pas et qui ne veulent pas être des journalistes. Ça ne les rabaisse pas à de simples diaristes, non plus.
Elle propose de changer de métaphore. Le papier. Quel usage en font les gens? Prendre des notes, écrire des listes, documenter leur vie et publier des idées. N’est-ce pas ce que l’on fait avec les blogues? Techniquement, ce sont deux outils différents. Mais l’usage est similaire. C’est un carnet de note. Ouvert, dans mon cas.
Mais si un bloggueur fait du journalisme, est-ce que le choix d’un écran au lieu d’un papier réel fait de lui un sous-journaliste?
Et comment fait-on pour déterminer qui est journaliste?
Hé bien, historiquement la sélection se faisait sur la base de l’accès au matériel, c’est à dire au papier et à la presse à imprimer. Les institutions se sont bâties sur cette accès exclusif. L’institution pouvait ensuite ‘nommer’ qui était journalisme. L’institution avait l’autorité de faire ainsi parce qu’elle possédait le monopole. Personne ne pouvait, seul, par mérite, devenir journaliste, s’il ne possède pas déjà les presses…
Les corporations commerciales se sont appropriées ce droit : la propriété donne l’autorité. Il n’existe pas d’organisme indépendant qui nomme les journalistes…
Mais aujourd’hui l’accès à la diffusion érode leur pouvoir. Plusieurs sites offrent des blogues gratuits. Une nouvelle façon de se créer une autorité s’installe lentement. Quelque chose basé sur le mérite.
L’accès se démocratise
Mais ne soyons pas trop vindicatif. Ce n’est qu’un changement de garde, pas une rupture. L’accès à la diffusion poursuit son lent chemin jusqu’au grand public …
Bienvenu à l’ère des médias citoyens…
AJOUT 11 juin:
Alain Joannès dans un commentaire sur mediaTIC blog ajoute plus de clarté à la question ‘qu’est ce qui fait un journaliste’:
Il dit en substance :
1- Un journaliste est quelqu’un qui a un accès privilégié aux sources d’information (grâce à la crédibilité de l’institution ou plus rarement par sa propre crédibilité)
2- Un journaliste est quelqu’un possédant une culture professionnelle et technique
Un blogueur qui raconte ce qui se passe dans son entreprise n’est pas automatiquement un journaliste, c’est un « insider ».
Un blogueur peut assister au déroulement d’un fait d’actualité important, c’est un témoin.
Ce qu’Alain amène c’est qu’un journaliste fait partie de l’institution. Et l’institution crée les journalistes…
Rien n’empêche un blogueur de faire « comme si ». « Une crédibilité personnelle donne un accès privilégié à certaines sources d’information » (pensons aux universitaires). Une technique bien maîtrisée permet au blogueur d’égaler le journaliste.
Ce sera alors un blogueur qui fait du journalisme. Pourquoi pas. Je suis sûr qu’on pourrait trouver des exemples. Mais, comme Alain, je crois plutôt que la blogosphère démontre tout sa puissance par « un devoir de vigilance qui devrait inciter les bloggeurs à corriger les erreurs, compléter les informations tronquées, dénoncer les lacunes, les défaillances, les abus journalistiques ».
AJOUT 12 juin
Pour mémoire, l’origine de la discussion à propos des blogueur-journalistes est bien synthétisée par Danah Boyd in Broken Metaphors: Blogging as Liminal Practice (PDF) (les italiques sont de moi)
Consider this New York Times headline: “Web Diarists Are Now Official Members of Convention Press Corps” . Although the author consistently uses the selfascribed term blogging when discussing the practice of her interviewees, the editorial staff chose to label the article using the common metaphor furthest removed from a conception of journalism. This headline is innately political, revealing biases of the editors:
1) Bloggers should not be given credentials because this implies that bloggers are journalists.
2) Bloggers are not journalists (like us) and it is problematic (to us) that they are perceived this way.
To remedy their concern about how blogging is perceived, the New York Times chose not to use “bloggers” in their headline. By employing “web diarists,” they signify that bloggers are not journalists because their content is solely about personal experiences.
This headline also serves to discredit the convention press corps for allowing nonjournalists to participate. Bloggers, in turn, read the headline as indicative of the New York Times’ fear that bloggers challenge the legitimacy of traditional journalism’s authority.
(Source) (PDF)
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Personnellement, j’utiliserais davantage le terme chronique que carnet. En effet, selon le Larousse, le carnet est un « petit cahier de poche servant à inscrire des notes, des comptes, des adresses, etc » alors que le terme chronique, toujours selon le Larousse est une « suite, recueil de faits consignés dans l’ordre de leur déroulement« . Ce dernier reflète davantage la régularité de la publication.
Le blogueur serait donc davantage un chroniqueur qu’un journaliste.
La pub et le droit© relève davantage de chronique que du journalisme.
Natalie Gauthier
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Nathalie, il y tout de même une nuance, puisque les deux termes n’ont pas le même objet : ‘Carnet’ vise le support, et ‘Chronique’ vise le processus.
Ceci dit, j’abonde dans ton sens, ayant moi-même commis un billet à ce propos intitulé : La société des chroniqueurs en janvier 2005.