J’évoquais justement ce matin la différence entre lire des journaux papier et sur le web.
Voilà que je lis dans le New York Times d’aujourd’hui (papier) (et voici le lien web) que le magazine Time planifie de déménager sa sortie hebdo du lundi au vendredi.
En anglais, on dirait « from week days to week end ». Pourquoi? pour attirer plus de lecteurs! Je crois qu’il y a là un signal à décoder
Territoires occupées
Internet offre une concurrence indéniable aux publications traditionnelles papier. Le retrait du Time indique que le territoire de la semaine pour s’alimenter en nouvelles semble appartenir de plus en plus au web et la fin de semaine, aux journaux/revues.
L’écran se fréquente volontier durant la semaine de travail, mais, comme pour les vacances, on préfère un autre média pour s’alimenter en dehors des heures de travail.
C’est comme un mouvement de marée. La semaine, on serait en mode « pull » (tirer l’information) et le weekend en mode « push » (pousser l’information).
À ce jeu, les sites webs auraient la cote la semaine, durant les heures ouvrables, et les médias traditionnels le reste du temps, (comme si on se « se reposait »…). D’où le geste du Time de déménager sa sortie pour profiter de « l’effet de marée ».
Le sens par la mise en page
Ce matin je disais que la mise en page créait du sens. Marc-André, dans un commentaire, ajoutait que le journal Le Devoir, sur son site web, offrait les articles à égalité. Ce qui enlève une grande part de l’intérêt du site. À ce compte, Google News (ou tout agrégateur de nouvelles) offre plus et mieux.
En fait, aussi limité que soit le journal papier, on peut toujours dire qu’il crée davantage de sens que les nouvelles sur le web (1) par ce qui est publié, (2) par l’endroit où la nouvelle est placée, et (3) ce qu’ils ne publient pas. Souvent ce qui n’est pas publié en dit davantage!
Filtre/non filtre
Sur le web, il n’y a que le point 1. Objectivement, Paris Hilton ou Ehoud Olmert ont le même « poids ». Seul la culture de l’usager peut filtrer la différence.
La semaine, c’est le « travail » que fait l’usager: filtrer l’information. Mais le weekend, il se met en congé, et comme en vacances, il se mets à lire sur les bons vieux médias, qui lui « pousse » ce qui a de l’intérêt.
En partie pour se « reposer » de d’être un filtre, mais aussi pour « apprendre » à savoir trier la semaine suivante…
« …les articles à égalité. Ce qui enlève une grande part de l’intérêt du site. À ce compte, Google News (ou tout agrégateur de nouvelles) offre plus et mieux. »
En fait, l’utilisation de la liste d’articles « à égalité », pour moi, revient à un choix de filtre : la position éditoriale générale du Devoir est déjà filtre, auquel, sur certains aspects, je me fie, la présentation des articles en est un que je préfère mettre de côté. À ce compte, Google n’offre pas mieux ou plus, mais plutôt autre.
Ok, j’accepte de dire que c’est subjectif.
Mais puisque que la présentation des articles en lignes laisse à désirer, autant pour Le Devoir.com que pour Google News, je dirais alors que la quantité (qu’offre Google News) est donc un « plus ».
Mais n’est-ce pas le propre du filtre de diminuer la quantité, question de ré-équilibrer le ratio bruit-signal?
Dans le cas qui nous concerne, l’espace de la page papier, crée la rareté qui est le filtre pour choisir et trier les informations.
Sur leDevoir.com, ce même filtre est là par défaut (les articles papiers) mais ni la mise en page ni la limitation de l’espace ne le justifie.
C’est donc un mauvais filtre. Si au moins ils avaient en plus de nouvelles que dans leur papier, mais non.
Le seul filtre qui est bon sur le web est le filtre par mot clef, et la seule mise en page qui a du sens est le classement par date de tombée.
Je vois la problématique autrement : le site web du journal devrait être le pool où se trouve tous les articles publiables. Le portail offre un filtre par thème, mots clefs ou par date. Mais la version papier est un instantané qui offre un filtre supplémentaire : la pertinence (par le choix de la mise en page et le fait que la nouvelle est reprise). Dans ce cas, le journal apporte un plus.
Je crois que le Devoir fait l’inverse et « publie » sur le web sa version papier. Je crois que l’on perd au change, non?
Est-ce un mauvais filtre? Pas nécessairement. Un peu artificiel, soit. Par lui-même, il ne filtre que la quantité d’information. Il doit donc y avoir un choix, d’où la ligne éditoriale. Si je ne filtre que par mots-clefs, je passe à côté de plein d’article qui peuvent m’intéresser mais portent sur un sujet auquel je n’avais pas songé. Ce n’est donc un si bon filtre du point de vue de la curiosité intellectuelle.
« le site web du journal devrait être le pool où se trouve tous les articles publiables » qu’en est-il alors de la ligne éditoriale? On n’aurait là un metafil de presse et non un journal. Je suis d’accord que la version web d’un journal devrait profiter de l’espace pour offrir un plus grand nombre d’article, mais pas tous les articles publiables. Si je lit Le Devoir au lieu de, disons, CNN, c’est que leur choix éditorial me convient mieux, ce qui signifie une augmentation de la pertinence des articles que j’y trouve.
Nous sommes d’accord sur ce point: le devoir est un filtre éditorial et on apprécie leur choix d’articles.
Et même s’il est limité en quantité (par rapport à CNN), c’est ce que l’on est venue chercher: une coupe drastique éditorial dans le flot incessant des nouvelles.
Mais il est effectivement flagrant sur le web que ce choix est (très -trop?) limité. On est d’accord là-dessus.
Je ne crois pas que les thèmes Monde, Société et Économie d’aujourd’hui se résument entre 3 et 5 articles. Le web montre cet limitation non pertinente.
Et comme je crois que l’on ne lit pas les mêmes choses sur le web que sur papier, je passe à côté de bien des choses sur leur site web.
Aujourd’hui, j’ai bien dû lire la moitié des articles sur papier, mais un seul m’a attiré sur leur site web (et il était vérouillé).
Je touche ici le coeur du sujet de mes récents billets sur le sujet (sans prétendre que j’ai réussi à m’en approcher correctement) : une propriété de l’information d’avoir ce que j’appelle une « affordance communicationnelle » : « qu’est ce qui fait que cette information est consommé sous une forme et pas sous une autre ».
À ce jeu, je crois que le devoir.com fait une moins bonne job que la version papier. Ceci dit, peut-être (et sûrement qu’il faut prendre cette hypothèse extrêmement au sérieux) que c’est du côté de la culture de réception qu’il faut explorer. Les codes de reconnaissances pour reconnaître la pertinence et l’intérêt à l’écran est au final vraiment moins riche que sur papier pour les raisons que je mentionnais…