Il y a des blogues dont la lecture, la compréhension et la critique s’avère plus difficiles que certains livres de métaphysique. Car seul un travail minutieux pour retracer les (hyper)liens permet d’en suivre la logique argumentative, les assertions dialectiques ou les enjeux intellectuel, technologique ou social.
C’est pour cette raison que les journaux auront toujours plus de lecteurs que les blogues, car étant dans les faits, ab initio, la référence primaire, ils ne peuvent exiger de son lectorat de se référer à d’autres sources, comme par exemple d’autres journaux ou d’obscures livres, pour se faire expliquer un contexte. En réintroduisant le contexte sous forme de résumé, un article propose non seulement la nouvelle, mais aussi la méta information concernant l’importance de la nouvelle. Souvent par le biais du titre, du chapeau ou de sa position intra- ou inter- paginale.
Les blogues ont été définis par certains comme un acte de mise en contexte de la connaissance dans un milieu donné. Il va s’en dire qu’une telle assertion mérite nuance.
Il est parfaitement clair pour quiconque a navigué dans la blogosphère que la problématique de la contextualisation ne se limite pas au nombre de liens qui se trouve dans un billet. Comme s’introduire dans une conversation en cours sans avoir écouté le début, il faut prendre en considération qu’une certaine latence est demandée pour « comprendre » ce qui se discute: le sujet peut être connu, la langue utilisé la sienne et le contexte implicite, mais il faut parfois plus de temps qu’on l’imagine pour saisir réellement les enjeux.
Cette variable « temps » pour rattraper une conversation en cours apparaît clairement comme une barrière à l’entrée pour certains s’initiant aux blogues, ceux habitués à « l’infotainment » prodigué par le « petit » écran (qui n’est plus tout à fait « petit » si je me fie à mes coups d’oeil furtifs aux circulaires durant le court trajet entre ma boîte aux lettres, où ils apparaissent par génération spontanées, et le bac de recyclage, où il retourneront à l’imprimerie pour me revenir sous forme de boîte de céréales).
Le « temps » est redevenu une variable humainement accessible dans le monde impitoyable de l’Internet, qui nous avait habitué à l’instantanéité maladive de l’information (où en 10 ans, nous nous sommes transformés en gloutons impatients gueulant quand ça prend plus de 1 seconde pour qu’une image venant de Paouasie-Nouvelle-Guinée apparaissent sur notre bel écran plat, en oubliant que le capitaine James Cook y a mis le tiers de sa vie pour le même résultat – sauf pour ce qui concerne l’écran plat).
Si l’accès à l’information instantané ne représente plus un obstacle, la compréhension de cette information demande du « temps » pour la restituer en contexte : les hyperliens dans un billet permettent de retrouver le contexte qu’à ce prix. Comme l’ensemble des chapitres d’un livre permet de comprendre un sujet.
Malheureusement, avec les blogues, c’est comme si les chapitres n’étaient pas dans l’ordre et, de surcroît, la table des matières n’existerait pas. Les blogues gardent des traces, mais au détriment d’une linéarité séquentielle si utile à la compréhension humaine.
Mais alors, les blogues ne seraient pas l’outil de mise en contexte? Non. Mais pas plus que d’autres outils. Car le blogue n’est pas le seul à vivre avec cette tare. Essayez de compréhendre réellement un sujet et vous verrez que si la télé, les journaux et les livres vous offrent effectivement un résumé du contexte, ils ne peuvent eux aussi vous épargner de dépenser cette denrée précieuse : le temps.
Les blogues ne font seulement que mettre au grand jour ce facteur occulté ailleurs…
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